A LA REYNE
MARIE DE MEDICIS
MERE DU ROY,
TRES CHRESTIEN
LOUYS LE JUSTE
MADAME,
Cette Astrée, à qui les meilleurs esprits ont eslevé des autels, et qui se peut vanter d’avoir porté sa gloire jusqu’au poinct de se faire bastir des temples en toutes les parties de l’univers, orpheline, depuis deux ans, se vient jetter aux pieds de V. M. pour y trouver le secours que son innocence merite.
Elle n’attend sa protection que de vous: Polemas tient toute sa province occupée par l’injustice de ses armes; et Celadon, languissant encore sous les habits d’Alexis, n’oseroit faire paroistre en sa necessité, que les traicts de la foiblesse d’une fille.
Si bien, Madame, que si vostre pitié ne fait pour elle un glorieux effort, il est presque impossible qu’elle ne perisse avec infamie, et qu’elle ne soit desormais la honte et la fable de ceux qui, [3/4] depuis sa naissance, n’en avoient osé parler qu’avec admiration. II y a quelque temps que la France ne la void que sous un habit deschiré par lambeaux, et sous un visage capable de faire mourir d’horreur ceux qui n’auroient pas accoustumé de voir des monstres, mais aujourd’huy qu’elle a retrouvé les mesmes graces, dont son pere avoit appris de l’embellir, elle croit que sans effronterie elle peut se presenter devant vous, et sans temerité esperer que V. M. luy accordera quelques-uns de ses regards, qu’elle ne donne qu’aux plus belles choses.
Que si cet incomparable soing, sur lequel s’appuye la seurté de cet empire, vous permet quelquefois, Madame, de souffrir son entretien innocent, peut-estre vous fera-t’elle avouer qu’il y peut avoir de douces heures en la vie, et que ce n’est pas le moindre divertissement que V. M. puisse choisir, en attendant que Louys, ce roy qui regne encor plus absolument dans nos ames que sur nos corps, revienne chargé des lauriers qui luy restoient à cueillir, vous rendre compte de ses triomphes.
Pour moy, Madame, qui luy sers de guide au dessein qu’elle a de se donner à vous, je jure que je ne l’eusse jamais entrepris, si je n’eusse bien creu que mon obeissance excuseroit ma temerité, et que tout le monde pourroit un jour recognoistre que le plus glorieux advantage que j’en espere, c’est de pouvoir protester solemnellement,
Madame,
que je suis de Vostre Majesté,
Tres-humble, tres-obeissant, et tres-fidelle serviteur et subjet,
BARO. [4/5]